Veiller sur elle
Veiller sur elle
Prix du roman FNAC
Au grand jeu du destin, Mimo a tiré les mauvaises cartes. Né pauvre, il est confié en apprentissage à un sculpteur de pierre sans envergure. Mais il a du génie entre les mains. Toutes les fées ou presque se sont penchées sur Viola Orsini. Héritière d'une famille prestigieuse, elle a passé son enfance à l'ombre d'un palais génois. Mais elle a trop d'ambition pour se résigner à la place qu'on lui assigne.
Ces deux-là n'auraient jamais dû se rencontrer. Au premier regard, ils se reconnaissent et se jurent de ne jamais se quitter. Viola et Mimo ne peuvent ni vivre ensemble, ni rester longtemps loin de l'autre. Liés par une attraction indéfectible, ils traversent des années de fureur quand l'Italie bascule dans le fascisme. Mimo prend sa revanche sur le sort, mais à quoi bon la gloire s'il doit perdre Viola ?
Un roman plein de fougue et d'éclats, habité par la grâce et la beauté.
Compte rendu de la séance de livre échange du 7 novembre 2024
Veiller sur elle – Jean-Philippe Andréa
Ce roman reçoit un avis partagé de la part des participants. Certains ont beaucoup aimé, d’autres moins. Une participante a retrouvé à travers ce récit l’atmosphère religieuse du Nom de la Rose de Umberto Eco. D’autres y voient aussi une similitude avec Rosa Candida de Audur Ava Olafsdottir.
L’histoire se déroule en Italie entre 1916 et 1951. Elle couvre toute la période du fascisme ce qui donne un aspect roman historique. La montée du fascisme, son installation dans le pays puis son règne sont abordés. Les protagonistes qui se déclarent ouvertement fascistes sont peu nombreux. La plupart ont une attitude opportuniste qui peut les pousser à se déclarer fascistes ou l’inverse. Les familles riches ne s’engagent pas. Ainsi chez les Orsini, les trois frères adoptent trois positions différentes qui engendrent trois ambiances différentes dans le récit. Toutefois le fascisme n’est pas le centre du roman. Il faut partie du décor et sa réalité reste édulcorée.
Ce roman est à entrées multiples. Il traite à la fois de politique, de religion, de rapports sociaux, de philosophie, d’art. Tous les éléments qui constituent l’environnement d’une vie. Cependant, aucun de ces sujets n’est traité complètement ce qui peut laisser perplexe le lecteur. D’un côté il y a toutes les composantes d’une histoire réaliste ; de l’autre, le lecteur pense suivre une histoire du fascisme puis une histoire sur la place des femmes dans la société puis encore une histoire sur les rapports entre les riches et les pauvres et ainsi de suite. Certains participants regrettent que l’auteur n’ait pas plus précisément orienté son récit. D’autres ont apprécié l’ensemble. C’est un livre touche-à-tout : différents milieux, différents thèmes, différentes histoires. Le seul fil conducteur est Mimo qui passe d’un sujet à l’autre au fil des pages. Chaque chapitre traite alors un aspect différent.
Nous observons que l’auteur Jean-Philippe Andréa est aussi auteur de scénarios. Cette façon d’écrire se retrouve dans le roman : à chaque chapitre, une scène.
Le héros Mimo est de très petite taille. La question du handicap et comment gérer ce handicap est une autre facette de l’histoire. Le héros utilise son handicap comme un bouclier, une force mais dans le même temps, la société le rejette constamment, le nargue, le sous-estime. Il ne pourra intégrer celle-ci et retrouver une certaine dignité que lorsqu’il sera devenu célèbre et par là-même incontournable. Les rapports sociaux sont finement décrits et renvoient au lecteur l’image de notre société figée dans des principes, des obsessions qui peuvent la rendre invivable pour ceux qui sont rejetés.
L’un des (nombreux) thèmes du récit est l’amitié entre deux personnes (Mimo et Viola) socialement éloignées et intérieurement fracturées, qui n’auraient a priori jamais dû se rencontrer. Unanimement, nous considérons cette amitié comme une très belle histoire.
Des participantes font observer que l’héroïne Viola fait l’objet d’un marché. Cela a aujourd’hui quelque chose d’absolument révoltant mais semble correspondre à une certaine réalité quotidienne si l’on se replace au début du 20e siècle. Viola est une femme de caractère, une forte personnalité. C’est une femme d’aujourd’hui. Des participants font le parallèle avec Kamala Harris.
Dans la famille aristocratique de Viola, tous les frères se battent pour dépasser l’aîné décédé. Mais tous s’entendent pour exclure Viola. Elle est « échangée » contre un « beau mariage » - c’est-à-dire
une union rentable pour la famille – mais, en transgressant les interdits, elle s’émancipe. C’est aussi elle qui transmet les savoirs à Mimo.
S’ensuit une discussion sur l’émancipation des femmes. Il est rappelé que la période du récit correspond à celle des suffragettes et à leur influence en Europe (Viola lit les journaux). Cela lui donne de la crédibilité. Les participants rappellent que les femmes qui avaient assuré tout le travail durant la guerre, ont été purement et simplement licenciées à la fin de la guerre afin que les hommes retrouvent leur place et que les femmes retournent à la maison et s’occupent des enfants. Elles n’obtiendront le droit de vote qu’en 1945 et le droit d’avoir un compte bancaire encore plus tard. Une participante mentionne Mauricia Coquiot, née à Thiers, qui a été une femme politique engagée dans le droit des femmes.
A ce stade des échanges, il reste un sujet que nous n’avons pas encore abordé : la sculpture. Les passages qui décrivent la sculpture sont absolument éblouissants et nous font vivre l’émotion profonde qui accompagne la création artistique. Nous sommes unanimes à considérer ces paragraphes comme particulièrement réussis.
Nous évoquons alors la dernière création de Mimo : la Piéta. Et la discussion s’engage sur la Piéta de Michelange que l’on peut admirer dans la basilique Saint Pierre de Rome. Des participants ont pu l’admirer il y a cinquante ans quand elle n’était pas encore protégée derrière une vitre blindée. Aujourd’hui l’émotion ne peut plus être aussi forte quand les vitres filtrent les regards. Le Moïse du même Michelange est aussi cité. La discussion se poursuit sur Jean Chauchard, le sculpteur local dont on trouve des oeuvres à Lezoux, Moissat …
Une partie des lecteurs/tices trouvent qu’il y a trop de personnages dont certains apportent peu à l’histoire. De plus la fin de l’histoire avec la réalisation de la Piéta (crédible) qui aurait un visage et un corps féminin (peu crédible) apparaît un peu bâclée.
A intervalles réguliers un chapitre court vient interrompre le récit principal. Ce chapitre raconte les pensées d’un moine, supérieur d’un couvent, au sujet de Mimo et de la sculpture de la Piéta. Outre le fait que ces incises arrivent comme un cheveu sur la soupe, le procédé narratif ainsi utilisé n’est pas crédible. Ces interruptions nuisent à la lecture et n’apportent rien de plus à l’ensemble du roman, sauf à être un clin d’oeil à la religion.
Il reste que la lecture de ce livre est simple et fluide en lien avec une écriture simple et parlante.
Des participants s’interrogent sur le titre : Veiller sur elle. S’agit-il de Viola ? de la Piéta ? Des deux ?
Avis et commentaires