Un Moyen âge en images

Ce nouvel ouvrage de Jacques Le Goff est le fruit de près de quarante années de fréquentation quotidienne des images du Moyen Age, à travers sa collection personnelle de cartes postales, qui lui a servi de documentation. Sans les exclure complètement, Jacques Le Goff a retenu peu de représentations de la féodalité (seigneurs et paysans), de la violence guerrière, de la mort, phénomènes bien connus et qui n'expriment pas autant, selon lui, le Moyen Age essentiel, profond, que ne le font les gestes, la société humaine face à la société divine, les images de l'au-delà. Ce Moyen Age en images lui paraît d'autant plus vrai que l'image inclut dans la représentation le côté imaginaire, symbolique de la réalité aussi " vrai " que son côté matériel, réaliste (surtout dans une société qui, comme la société médiévale, vit sur le double registre naturel/surnaturel). Ces deux lectures s'imposent parmi celles que le lecteur/ spectateur de ce livre peut légitimement mettre en œuvre. L'ouvrage privilégie les images de l'espace et du temps dans un monde chrétien où les périphéries sont particulièrement révélatrices. Une place centrale est accordée à la confrontation homme/Dieu. L'auteur insiste aussi sur l'importance des gestes et des attitudes, où se révèlent en profondeur les caractères propres à l'homme et à la femme du Moyen Age, violence de la guerre, évocation du travail méprisable ou créateur, de plus en plus valorisé, et, véhicule essentiel du désir d'apprendre les mystères de l'univers, de Dieu, de l'avenir : le sommeil et les rêves. Le Moyen Âge a été un univers de combattants, de travailleurs, de rêveurs. Enfin, Jacques Le Goff fait largement état de la sensibilité nouvelle et de l'épanouissement qui s'expriment dans les derniers siècles du long Moyen Age, même si on l'arrête à la fin du XVe siècle, à travers des images où l'on décèle l'évolution de l'œil, des sens, et plus généralement de l'humanisme médiéval. En témoignent d'abord, selon l'auteur, l'efflorescence du portrait réaliste, de la beauté féminine, de l'amour de l'enfant, du goût de manger et de jouer, sinon de rire, mais aussi, tout au long du Moyen Age, l'essor de la musique et de la danse à travers l'invention d'instruments comme l'orgue ou le luth.