La rivière
La rivière
Compte rendu de la séance de livre échange du 25 janvier 2024
La rivière - Peter Heller
Les lecteurs et lectrices ont aimé ce roman.
Sa première qualité est certainement la description de la nature et des paysages. A travers les mots et les phrases le lecteur imagine le paysage et se fond en lui. Il se trouve au coeur de l’action. Il s’agit en quelque sorte de « peintures littéraires ». Qu’il s’agisse de l’immense forêt canadienne, de la rivière et des ses cascades impétueuses, des oiseaux qui chantent, se taisent puis s’enfuient ou bien passent haut dans le ciel, ces moments sont admirablement bien rendus et souvent avec une écriture poétique.
Il y a une forme d’exaltation de la nature dans ce récit, que nous avons beaucoup aimé. Le lecteur est en permanence en présence des canards huards, des ours, des poissons, des myrtilles, des épilobes … On sent la compétence de l’auteur qui est aussi guide de rivière et connaît bien ces milieux. Il a aussi écrit La constellation du chien qui semble être un roman de même style.
Dans le même temps, l’histoire tient en haleine ; le lecteur se prend au jeu du suspense entretenu par l’auteur. On imagine très bien les héros partir à la recherche d’une personne dans cet immense milieu peu hospitalier. C’est un peu chercher une aiguille dans une botte de foin, ce qui fait naître une attente et une envie de savoir qui font tourner les pages. Cet aspect « thriller » nous a convaincus.
Il faut aussi mentionner la description impressionnante et apocalyptique de l’immense et intense feu de forêt. C’est très réaliste et très bien écrit. Cette partie du roman est particulièrement prenante, d’autant que l’actualité de l’été dernier nous a rappelé la réalité du risque lié aux feux de forêts. Nous engageons une discussion sur ce sujet qui amène à constater que les feux de la grande forêt nord canadienne sont une réalité récurrente. L’actualité particulière de l’année 2023 est liée à la superficie de forêts qui se sont consumées, bien plus importante que les feux habituels. Cela ne correspond pas à la situation habituelle et l’hypothèse d’incendies d’origine criminelle n’est pas exclue.
Des lecteurs et lectrices rapportent que l’année qui suit les incendies, les habitants viennent sur les parcelles récolter les morilles qui abondent. Ils les appellent les morilles de feu. La discussion évolue ensuite sur la replantation des forêts après les incendies. Il faut plusieurs années avant de replanter ; des participants indiquent toutefois avoir entendu parler de replantation par drones – parce que les parcelles sont inaccessibles – qui pourraient permettre de gagner du temps.
Au chapitre des déceptions, la fin du roman. Elle nous semble bâclée. Lors de la lecture on reste sur des impressions et des sentiments très forts : la forêt, la rivière et ses chutes, le feu intense, la personne blessée qu’il faut emmener d’urgence vers un centre de soins, le danger représenté par le mari et l’incertitude du comportement des deux « pêcheurs buveurs ». Et soudainement, en quelques chapitres, arrive le dénouement accompagné de force cadavres. Cela semble exagéré et nuit l’excellence globale de l’histoire.
Par ailleurs, les trois derniers chapitres qui décrivent le mal-être et le deuil de Jack, même s’ils sont très beaux, arrivent en décalage complet avec le reste du récit. Dommage !
Notre discussion nous amène alors à évoquer les comportements humains et en particulier ceux de Jack et Wynn. Les deux héros sont parfaitement complémentaires. Ils réunissent ainsi l’ensemble des capacités nécessaires pour survivre dans ce milieu hostile qu’est la grande forêt nordique. Une amitié très forte les réunit et, issus de culture et d’éducation différentes, leurs échanges permettent au lecteur de suivre les oscillations et interrogations de chacun, entre éloignement et rapprochement. Une telle aventure met l’amitié à rude épreuve. Ce roman est aussi un roman sur l’amitié.
Certaines lectrices sont tristes que le dénouement donne raison au personnage le plus méfiant au détriment du plus gentil. On aimerait tellement que la gentillesse soit une qualité reconnue. Quelques lectrices trouvent une ressemblance entre les deux héros et Strasky et Hutch, les héros d’une ancienne série télévisée. D’autres ont trouvé un peu longues et lassantes les descriptions de la pêche à la mouche et de la conduite du canoë.
Insérée dans l’histoire, l’auteur nous raconte aussi la mort accidentelle de la mère de Jack. Ce passage est très émouvant, très touchant, très beau.
Parmi les autres personnages du roman, les « pêcheurs buveurs » qui sont des personnalités frustes et rustres, nous paraissent décrits avec réalisme. Et malgré tout, l’histoire conserve un côté irréel et un peu superficiel.
Des lectrices précisent que le film Délivrance qui est mentionné dans le roman et qu’elles ont beaucoup apprécié quand elles l’ont vu, a un scenario assez semblable à La rivière.
Tous les protagonistes de l’histoire sont seuls face à la nature, face à leurs peurs, face à eux-mêmes et aux éléments. La rencontre se termine par une discussion générale sur la solitude, discussion au cours de laquelle Les chemins noirs est évoqué. Nous mentionnons aussi la solitude du gardien de phare (quand cette profession existait).
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